de Joann Sfar, avec Eric Elmosnino et plein de gens.
Bon, c'est quoi le problème des Français avec le biopic ?
Là où des gens normaux font des biopics cohérents, avec des repères de
lieu et de temps et pas trop de flashbacks, c'est comme si en France, on
considérait le genre comme indigne ou trop vulgaire, et il serait donc
nécessaire de le magnifier ou de le transcender d'une façon ou d'une
autre. Le biopic sur Edith Piaf, par exemple, La môme. On choisit à
peu près 14 époques différentes, et on fait une séquence qui ressemble à
1-7-13-4-9-12-2-14-1-6-10-3-14-5-8-11-1-14-5-12-3. What. The. Fuck ?
Pourtant, ce flim-ci n'est pas dénué de qualités. Le
mimétisme de l'acteur avec son personnage est saisissant comme c'est
souvent le cas dans les biopics (Piaf, Coluche, Morrison, Gandhi, Ali,
Malcolm X) mais ici, on touche à la perfection. Et puis, il y a plein de
bonnes idées. Le personnage en baudruche géante sorti d'une affiche de
propagande nazie qui accompagne Gainsbourg enfant est plutôt pas mal.
Son double maléfique Gainsbar qui l'accompagne sous forme de marionnette
géante jusqu'au jour où ils fusionnent est plutôt bien pensé et bien
utilisé.
Mais pour l'essentiel, on considère que vous savez déjà
tout de la vie de Gainsbourg, et que ceci n'est pas un biopic, mais une
illustration de sa vie en forme d'hommage libre et artistique.
D'ailleurs, pour être sûr qu'on ne s'imagine pas qu'il est en train de
faire un biopic, le réalisateur le précise lui-même en toutes lettres à
l'écran. Si si. Deux fois. Une fois dans le générique de début, et une
fois avant le générique de fin. Donc, on sait déjà qu'on ne va pas
apprendre ou comprendre grand chose, ce qui est plutôt dommage de mon
point de vue. A partir de là, le flim se compose de deux ingrédients :
un best of des chansons de Gainsbourg, on entend à peu près toutes ses
chansons les plus connues, presqu'en entier, et parfois plusieurs fois.
Okay. Et puis ses femmes, qu'on voit se succéder les unes aux autres
sans trop savoir pourquoi ni comment. Okay.
Les personnages sont atrocement caricaturaux, depuis les
parents de Gainsbourg jusqu'à Bardot, Fréhel, France Gall, Vian, Greco,
Birkin, ... Bon, d'accord, la plupart de ces gens *étaient* des
caricatures, et pour les autres, montrer Boris Vian ou Greco en une
seule et unique scène ne peut que tourner à la caricature.
Au final, je ne vois qui ça peut contenter. Les gens qui,
comme moi, ne sont pas fans ni des grands connaisseurs de Gainsbourg
vont être frustrés par la licence poétique prétexte à l'évacuation de
toute exigence historique ou de toute cohérence scénaristique : ah
tiens, j'ai 12 ans en 1943, et j'en ai 20 en 1947. Ah tiens, des
enfants, il a eu des enfants, je ne sais pas, ce sont les siens ou pas,
difficile à dire. A quel moment il devient chanteur ? Quand
commence-t-il à avoir du succès ? Pourquoi ? Comment ? On s'en tape. Le
seul épisode qui ressemble à un vrai biopic, c'est celui du concert de
Strasbourg annulé par les bérets rouges, et c'est une scène filmée par
les caméras de télévision que tout le monde a vu cent fois. Super,
merci. Tout le reste ressemble à une évocation arty où ne sait pas
démêler l'exact du romancé, le vrai du fantasmé. Un tantinet frustrant
quand on a envie d'en apprendre un peu plus sur le personnage et sur sa
vie.
Je suppose que le flim ne va pas ravir les fans de
Gainsbourg non plus, encore que... C'est possible finalement, faudrait
leur poser la question.
En bref : pas mal foutu, me suis pas fait chier, mais que c'est frustrant.
Merci à OliD pour cette excellente critique reproduite ici avec sa permission écrite. J'ai les emails. Tous ? Tous !